Les GAFA gogos des gars gonflés

Taxer les GAFA pour financer le journalisme (déjà) subsidié. Une idée de journalistes. L’argent des autres a toujours meilleur goût.

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Les GAFA gogos des gars gonflés

Les points de vue exprimés dans les articles d’opinion sont strictement ceux de l'auteur et ne reflètent pas forcément ceux de la rédaction.
Publié le 7 septembre 2018
- A +

On pourra difficilement reprocher tout dilettantisme à la presse nationale lorsqu’il s’agit de ventiler avec force des affaires ridicules, de monter des broutilles en épingle ou de clouer au pilori l’un ou l’autre individu qui aurait dévié du chemin officiel tracé par le Camp du Bien. En revanche, elle sait se faire extrêmement discrète quand son avenir est en jeu et qu’elle doit user d’un bon gros lobbying des familles pour sauver ses tristes miches.

Il est ainsi peu probable que vous ayez entendu parler de la discrète pétition que des journalistes ont lancée afin de contraindre les géants du Net à contribuer au financement de la presse, par le truchement habituel de la loi. Eh oui : le lobbying, c’est très vilain sauf lorsque c’est utilisé par des journalistes.

Et dans le cas qui nous occupe, l’idée est comme à l’accoutumée simple, efficace et parfaitement inique : comme la presse a besoin de sous pour vivre, il serait plus que temps d’aller en piocher dans les poches des grandes entreprises de réseaux sociaux qui les ont pleines. Bien sûr, afin d’éviter de faire passer cela pour un vol décontracté, on enrobera la proposition de nécessaires justifications à base de moraline, de justice et autres slips habituels des joueurs de pipeau : si Google, Alibaba, Facebook ou Apple doivent absolument rétribuer la presse d’une façon ou d’une autre, c’est parce qu’ils bénéficient directement des efforts qu’elle déploie pour chercher, analyser et diffuser de la bonne grosse information bien fraîche, bien solide, bien étayée.

Et il est vrai, comme on peut le lire de plus en plus souvent, que réaliser de la bonne presse qui vend autre chose que des produits de luxe en page de droite et des articles creux Mode/Conso en page de gauche, ça coûte fort cher.

Il faut faire des enquêtes, se déplacer, voire — soyons fous — prendre des risques au plus près des réalités du terrain. Parallèlement, le lectorat se fait plus difficile à attraper. Oh, il n’a pas disparu, loin de là mais — oubliant à quel point il est inculte — il se fait exigeant et demande avec arrogance de la qualité !

Tout indique même que plus on tente d’asperger les individus avec de la propagande standard subventionnée par l’État, plus ceux-ci se rebiffent : les voilà qui s’informent par eux-mêmes avec tous les risques que cela comporte, depuis les sites complotistes jusqu’aux sites étrangers qui ont le mauvais goût d’être stipendiés par un autre État que le nôtre (oh !), en passant bien sûr par les sites turbo-libéraux dont on sait qu’ils sont tout acquis aux puissances pétrolières du complexe militaro-industriel des sauriens nazis. Minimum.

GAFA ta presse

Autrement dit, le risque est grand de voir échapper une forte partie de la population à tout contrôle la diffusion de la Bonne Parole Gouvernementale ou aux onctueuses oukazes de la caste journalistique officielle. Ceci ne peut être toléré, et ce d’autant plus que, si on pousse le raisonnement à son terme, il arrivera finalement un douloureux moment où le lectorat, asséché par les méchantes GAFA, ne lira plus du tout les médiocres productions journalistiques actuelles mais où il sera malgré tout ponctionné, via les subventions directes à la presse ou celles, indirectes, au publipostage, aux réductions fiscales diverses et j’en passe.

Situation qui, un beau matin, pourrait être pénible à justifier.

Comme d’habitude, on assiste au niveau européen et au niveau français à une âpre bataille pour maintenir en état un domaine, la presse, où aucune mutation ne semblerait possible, et où pourtant la qualité, l’indépendance et l’intégrité des équipes laissent de franches marges d’amélioration pour le dire gentiment : on pourrait multiplier les exemples, mais entre les tweets idiots et particulièrement orientés de journalistes (un exemple récent ici), le deux-poids-deux-mesures systématique dont la presse fait preuve (de nombreux articles documentent cela) et les tombereaux d’argent public déjà consacrés à maintenir la presse existante en vie, on serait en droit de demander, en retour, qu’elle soit suffisamment proche des notions de qualité et d’intégrité avant de demander des rallonges (par le biais de taxes supplémentaires, qui plus est).

Pour rappel, et rien qu’en se focalisant sur le cas français, douloureux dans sa médiocrité, les subventions à la presse ressemblent à ça :

Plus de 4.8 m€ pour Libération, cette épave journalistique en perdition dont le contenu, brûlot gauchiste sans queue ni tête, n’est plus lu que par quelques dizaines de milliers de lecteurs par jour ou 3,4 M€ pour L’Humanité, bricolage communiste improbable tétant à la fois aux subventions publiques et au capitalisme rotschildien dans une incohérence assumée presque cocasse, et plein d’autres exemples du même acabit (qu’on pourra éplucher ici) nous forcent à conclure que, question indépendance, la presse peut faire mieux.

D’autre part, on peine à comprendre l’envie de cette presse de s’acoquiner ainsi avec les GAFA qui deviendraient, une fois contraints à la subventionner, une ressource indispensable.

Difficile en effet de lui accorder cette intégrité que la presse prétend rechercher. Dernier exemple en date : un syndicat suisse décide de se faire un peu de publicité facile en bidonnant deux offres d’emplois, l’une pour un homme et l’autre pour une femme, avec exactement les mêmes descriptions de poste et (bien sûr) des salaires complètement différents en défaveur de l’offre féminine. Lourdement relayée par les réseaux sociaux, l’histoire a été repérée par Le Matin qui s’est empressé de diffuser encore plus largement le gras pipeau syndical. Alerté par des internautes, le journal suisse a pris son temps pour retirer l’article (clairement qualifiable de fake news) et n’a présenté aucun rectificatif ni aucune excuse.

Si cet exemple était unique, il ne serait qu’amusant. Malheureusement, on ne compte plus le nombre de reportages bidon, d’articles satiriques relayés massivement par une presse qui prétend faire son travail alors qu’elle se contente finement de reprendre les bêtises qui passent sur les réseaux sociaux. Réseaux sociaux qu’elle entend donc taxer par voie de lois afin de compenser leur impéritie. On appréciera l’ironie du message, et la solidité de la remise en question : à la place de ces journalistes, il vaudrait mieux s’éloigner de ces GAFA plutôt que se comporter en truffes cupides et être financée par elles.

Mais non ! Et au contraire, pétitionnons !

En pratique, on comprend qu’un double-jeu se met en place.

D’un côté, celui d’une presse qui a de plus en plus de mal à s’adapter aux contraintes modernes : elle n’a toujours pas compris que sa valeur ajoutée réside avant tout dans sa capacité d’analyse de l’information, et de sa présentation ordonnée avec un filtre connu, conscient et revendiqué pour son marché (son lectorat) et non pas, comme c’était le cas jusqu’à présent, à un moyen de collecte aux orientations politiques et aux agendas plus ou moins occultes. Dans ce contexte, il est peu étonnant qu’elle choisisse le chemin trop arpenté qui consiste à piocher chez les autres plutôt que se remettre en cause.

De l’autre côté, celui des États qui comprennent bien les enjeux de contrôle de l’information que la nouvelle situation permet. En pratique, cette capacité des GAFA à orienter les foules grâce au filtrage plus ou moins conscient, dirigé et assumé des informations n’est pas franchement combattu par le pouvoir ou s’il l’est, c’est en paroles, par des déclarations ou des rapports un peu grandiloquents lourds de sous-entendus ; mais en réalité, les gouvernements recherchent avidement le pouvoir de ces réseaux sociaux pour en profiter directement.

Bref, s’il subsistait un doute, il est maintenant levé : les journalistes de cette presse subventionnée, qui pouvaient prétendre jadis constituer un quatrième pouvoir, ont bien vite rejoint les mêmes rangs que les politiciens. Et ce faisant, ils y ont subi la même hontectomie.
—-
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  • Eh oui, la recherche d’informations sur AFP a aussi besoins de sous.
    Plein de sous.

  • Avec la logique que sort la presse, n’importe quel site référencé sur google pourrait exiger une rémunération de google…

    La presse cherche à obtenir une rémunération sur quelque chose qu’ils ont publié sur le net, qu’ils ont donc cédé et donc, qui n’est pas rémunérable. Les rémunérer, ce se serait comme si on se mettait à rémunérer les maçons et les architectes lorsqu’on vend sa propre maison.

    • Bien sûr, puisque la valeur de Google vient de fait que les sites y sont référencés. Bon, à part ça les moyens techniques de ne pas être référencés par Google existent aussi, et ne semblent pas être extrêmement mobilisés par cette presse. Qui a priori donc tire un bon profit aussi du fait d’être référencée. Mais ça, ils l’oublient commodément dans leur communication.

    • une rémunération ça se négocierait entre google et le média… ça les regarderait..mais une part de l’argent tiré d’une taxe. .
      ou bien les médias pensent qu’il y a une forme de vol ou quoique ce soit de répréhensible et ils exigent l’interdiction..ou bien non…

      • @ jacques lemiere
        Bon, c’est vrai, je n’achète pas de gazette: je m’informe par internet, en restant conscient qu’un journaliste pense ce qu’il veut et moi aussi! Internet, c’est le choix de ses sources!
        Mais si en France, vous voulez taxer les GAFA’M, ici, ce n’est pas taxable puisque pas de transaction!?!

  • Le rôle de la presse reste essentiel : bourrage de crâne et culpabilisation des créateurs de richesses pour qu’ils acceptent de se faire tondre sans broncher.

  • un document de la commission européenne propose d’introduire des cours  » de compétence médiatique  » dans les écoles pour dés ce stade , faire peur aux enfants avec les redoutables RT et Sputnik , entres autres ,et pour se faciliter la tâche , avoir recours à l’instrument favoris des états autoritaires  » interdire l’enregistrements des médias mal pensants « …..nombres de médias indépendants sont visés , les autres ont de beaux jours devant eux….

  • Mais que fait le Decodex et sa Sainte Parole ?

    Ah, j’oubliais que la désinformation au service du Bien n’a pas à être combattue, après tout parfois la Fin justifie aussi l’absence de moyens.

  • Dans les GAFA ce n’est pas plutôt Amazon en lieu et place d’Alibaba?

  • ‘ Le lectorat refuse de payer pour de la propagande ‘
    Hé oui, j’ai résilié mon abonnement par lassitude, mais aussi parce que je ne voyais pas de quel droit un modérateur anonyme rejette mes commentaires comme hors sujets alors que formulés poliment, ils ne reflétaient que mon opinion, apparemment non conforme à la sienne…
    Une des raisons pour laquelle je sévis sur ‘contrepoints’.

  • J’attends le jour où un des ces journaux conscientisés nous certfifiera que la Terre est plate et qu’on nous fait gober qu’elle est ronde à cause du capitalisme. Enfin, quand ils auront le feu-vert de l’A.F.P.

  • Les commentaires sont fermés.

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